mardi 16 avril 2013

Le retro des plateaux d'Antenne 2 // The state of things

Le 14 Octobre 1982

 La télévision. On peut en dire ce qu'on veut, c'est quand même un média audio-visuel. Avant, c'était un média comme un autre. Il a prit une importance démesurée et définitivement incapable de montrer globalement l'actualité d'un pays comme le notre. Beaucoup de gens s'y trompent, et boivent les paroles vomies par le téléviseur comme de l'eau bénite. Il reste à le considérer comme un média parmi tant d'autres, et heureusement, on a eu des bonnes barres de rires grâce à ce moyen d'information.
Comme ce document d'archive qui est intéressant sur plusieurs niveaux. (en espérant que ça vous fasse réagir).

D'abord, ce plateau de Midi 2 a comme invité Wim Wenders pour son film qui venait à l'époque d’obtenir le Lion d'Or de Venise : The State of things (L'Etat des choses). Ce qui nous permettra d'en parler après.


Ensuite, on voit que la structure des journaux télé n'a pas beaucoup évolué depuis 30 ans (mise à part la présentation, les studios et transitions ainsi que le look des chroniqueurs(-euses) et leurs intonations qui fait un tout qui commence à être risible avec le temps - mais qui a ses bons côtés -).

Et enfin, les propos et sujets présentés sont étrangement similaire à ce qu'on a l'habitude de voir et d'entendre depuis quelques années à la télévision :

1. La météo : Conséquences climatiques, les catastrophes, (et tableaux aimantés).
2. Propos d'actualités : Action directe et ses actes terroristes (actions révolutionnaires)   
       Pour mémoire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Action_directe
3. Corruption dans la politique : Jacques Chirac a peur de se faire percer à jour et cri au complot.
4. Inflation, baisse du pouvoir d'achat, baisse des salaires, augmentation du chômage. 
5. Israel, l'ambiance est tendue.
6. Des arrestations à Marseille.
7. Sondages pour les réformes...
8. Sport.
9. Invité.


Impression de déjà vu, 30 ans plus tôt.

Mais il y a aussi les bons côtés : une présentation plus simple, moins pro et plus proche du "n'importe qui". Les propos de la presse papier sont répertoriés, il y a aussi tout un reportage pour bien expliquer ce que sont les renseignements généraux et en prime une portée éducative, puisque à la fin on se fait un petit cours de physique sur l’aérodynamisme. Et enfin une longue interview qui est presque un débat autour du réalisateur Wim Wenders, qui s'est tombé une bouteille de rouge comme vous pouvez le voir à la 24e minute. C'était guinguette à l'époque.


On vous laisse déguster ça si vous avez du temps à perdre, c'est tout bénef. 

   Pour voir la vidéo cliquez sur l'image
Plateau Wenders par Ina.fr 

 The State of things de Wim Wenders, est un des films les plus passionnant qu'il m'a été donné de voir.

Ce film parle du cinéma, exclusivement.

Mais pas dans le sens que l'on pourrait croire en lisant le synopsis.

L'histoire, en bref : «Survivants», tel est le titre du film que tourne une équipe au Portugal. Lorsque le producteur disparaît sans laisser d'argent, la consternation fait place au désœuvrement, puis à l'attente...

 La mise en abyme est un procédé qui représente une œuvre dans une œuvre du même type. Ici, le cinéma. Comment le cinéma se fait et se réalise? Quel est le travail fait en coulisse et comment l'insérer dans un film qui a été lui même conçu?
C'est un procédé assez recyclé dans le 7ème art, et décliné sous des formes multiples, le but étant d'être original. Pour citer les grand films : The Player de Robert Altman, ou La nuit américaine de François Truffaut, Prenez garde à la sainte putain de Fassbinder, Sherlock Jr de Buster Keaton, ou plus récemment Même la pluie d'Iciar Bollain (2010),  Le non-film de Quentin Dupieux (2001) et Rubber du même auteur ou les spectateurs regardent dans le film, le film qu'ils sont entrain de voir.

The State of things, n'a rien a faire dans cette liste, ni dans aucune, c'est un film vaporeux, inclassable et impalpable. Il existe un procédé cinématographique plus fin, dont la poésie fusionne avec le sens. Il engendre des films qui parlent de la vie, qui reflètent la vie. Il parle donc de cinéma. Que l'on soit bien clair : un reflet sur un vase en verre n'occupe pas toute la surface du vase. Un reflet n'est donc qu'une idée. Si le cinéma reflète la vie, il l'interprète selon le point de vue des auteurs. Le cinéma témoigne, fait acte d'histoire, il parle de la vie.

Qu'est ce que la vie? Où s'arrête-t-elle? Quel pourrait être le reflet de la vie? Pour que le reflet soit uniforme, qu'il n'oublie rien de tous les aspects de la vie, il faudrait un immense miroir dans le cosmos. Mais le cosmos, si infini, n'a d'autres choix que d'être lui même ce miroir. La vie existe seulement dans la vie. "Stories, only exist in stories" voilà ce que dit le réalisateur Friedrich Munro à son équipe qui attend de reprendre le boulot. C'est la phrase clef du film qui se différencie bel et bien de la banale mise en abyme. Elle en fait un magnifique "Métafilm" si on avait, évidement, le droit de le classer dans une forme de film. Mais ce film est un ovni.

C'est un film qui parle du cinéma en profondeur et non pas que dans la banale histoire racontée. 
Les strates qui composent ce film le ramène au rang d’œuvre d'art véritable et non comme un film à consommer comme ceux qu'on croisent que trop souvent aujourd'hui. Comme une photo, une peinture ou un poème, plusieurs lectures sont à aller chercher en profondeur, du premier plan au dernier plan. Du moindre détail, refaisant émerger l'essence du film pour qu'on la ressente. Les tripes et le cœur de Wim Wenders et de son équipe arrivent à transpirer dans son film parce qu'il est sincère avec celui là. Il crée un vrai dialogue avec son film. Ils se construisent en harmonie tous les deux, pour faire un film superbe, libre et vrai, jusqu'à nous faire partager ce sentiment de bouffée d'air, et d'amour pour cet art capricieux. 

Cet art réagit selon comment on le prend. Il faut le dompter et le comprendre. Et pour ça, il faut s'être compris sois même d'abord. Sinon le cinéma ne comprendra pas où tu veux en venir. Ce qui est beau c'est qu'il parle du cinéma, de la vie, de l'amour pour l'art, la littérature, la musique, les gens considérés au même rangs, comme des œuvres d'art, diversifiées et sensibles. Wim Wenders fait un gros clin d’œil aux films noirs américains qui relevaient ces thèmes aussi avec des histoires simples et pauvres. Le film noir est un genre très précis, qui a vécu 17 ans. Il a engendré entre 250 et 400 films. Le premier à être considéré comme tel est Le faucon maltais de John Huston sortit en 1941. Celui qui est considéré comme le dernier film noir classique est La soif du mal de Orson Welles sortit en 1958. Le film noir classique avait une profondeur exemplaire, dans laquelle seules les œuvres d'art peuvent nous plonger.

De cette façon, Wim Wenders nous fait sortir de L'état de choses, imprégné des sentiments de l'auteur lors de la création du film. La musique nous transporte entre les personnages, graciés par un casting exemplaire... Une réalisation sincère. Il nous offre sa vision du cinéma à travers un métafilm fantasmagorique.

Les Métafilms sont difficiles à différencier des mises en abyme. Ils mettent en scène souvent les mêmes protagonistes : metteurs en scène, acteurs, producteurs, techniciens. Ce procédé métafilmique n'est pas forcé de traiter du cinéma en montrant le processus de création. Il ne documente pas, il en fait un conte sensible et poétique.





JH

0 Commentaire :

- N'hésitez pas à laisser des commentaires, des avis, des critiques, ou simplement de petits mots.
- Vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par "Nom/URL". (L'URL est facultative.)
- Vous pouvez, en cochant la case "M'informer", être assuré d'être avisé automatiquement en cas d'une réponse.